Expatriation

Le regard malicieux d’une Française sur Berne

Française installée à Berne depuis presque 30 ans, Valérie Valkanap pose un regard complice sur la ville et ses habitants.

Imaginez atterrir dans un endroit où des mamies pointilleuses viennent vous reprocher de ne pas respecter les règles de circulation à vélo. Ou vos voisins surveillent les allées et venues dans l’immeuble et harponnent vos invités auxquels ils trouvent un air louche. Mais où les esprits se détendent pendant le carnaval, où la convivialité atteint des sommets dignes de l’Oberland…

Bienvenue dans le canton de Berne, en Suisse!

C’est caricatural comme portrait vous trouvez? C’est pourtant du vécu! Dans ses « Chroniques bernoises », la Française Valérie Valkanap raconte de savoureuses anecdotes croisées durant ses presque 30 ans dans la capitale suisse. Certaines lui sont arrivées, d’autres à des proches. Et elles sont romancées.

Née en Normandie, l’auteure a épousé un Suisse-allemand et élevé des enfants biculturels. Elle s’est intégrée et goûte même au dialecte local râpeux (en savoir plus sur le suisse-allemand par là). Et ne supporte pas qu’on dise du mal de sa contrée d’adoption.

Titulaire d’un master en droit international des affaires obtenu en 1991, elle travaille comme traductrice et rédactrice, et occasionnellement comme vendeuse de chapeaux chez Coup de Chapeau, dans la vieille ville de Berne.

Mon avis sur Chroniques bernoises - Valérie Valkanap

Avec tendresse et humour, Valérie Valkanap partage des tranches de vie cocasses, évoquant souvent des particularités culturelles de l’autre côté de la barrière de roestis. J’en ai reconnues certaines, ayant grandi dans le canton de Neuchâtel, pas loin de Berne, et ayant eu donc des contacts avec ses habitants. Mais il y en a d’autres que j’ai totalement découvertes.

En quelques pages, chacune des 48 chroniques colorées sont comme une immersion en territoire bernois.

C’est bien écrit, avec une bonne dose d’autodérision et de dépaysement.

La plupart de ces chroniques sont parues dans le journal francophone Courrier de Berne au fil des ans.

Des francophiles à Berne: si, si, il y en a pas mal, des francophones et francophiles dans la capitale suisse germanophone. Valérie Valkanap participe à des événements organisés par L’Association Romande de Berne, Berne Accueil ou l’ Alliance Française de Berne, comme elle le raconte dans cette interview.


PARENTHÈSE LINGUISTIQUE

Au Coop!

Argh! Certaines expressions m’ont fait tiquer dans ces chroniques. Il faut dire pour sa défense que Valérie Valkanap est une Française installée à Berne, en territoire germanophone, du coup ses contacts avec les Suisses francophones restent naturellement limités. Elle ne s’est donc pas mises à utiliser des expressions romandes usuelles, et reste bel et bien franco-française. Par contre, elle a adopté des formules de « français fédéral », comme on dit pour se moquer gentiment du français parlé ou écrit par les Suisses-allemands (ils font l’effort, et mon allemand est pire, on est d’accord que ce n’est pas une critique méchante).

Par exemple, l’auteure écrit: « Je la croise régulièrement au Coop derrière son caddy« . Et je crois avoir lu ailleurs dans ce livre « Je vais chez Migros. »

En tant que Suisse romande, j’ai toujours dit « Je vais à la Migros, ou à la Coop » et cela a sonné bizarre à mes oreilles de lire cette version! Par contre en France on dit effectivement je vais « chez Carrefour » ou « chez Auchan ».

→ Et vous, Suisses romands qui nous lisez, vous dites quoi? Je vais à la Coop, au Coop, chez Coop? Je vous attends dans les commentaires!

Pour moi, la phrase correcte en Suisse romande serait d’ailleurs plutôt: « Je la croise régulièrement à la Coop derrière son chariot » :P

Ah, ces petites différences de langue… Mais grâce à ce livre, j’ai appris que « se la coincer » (se la boucler) était une expression suisse (je ne l’avais jamais remarqué, et elle va rejoindre ma série des mots suisses). Bon, alors, je me la coince maintenant et vous parle encore de ces délicieuses chroniques!


Chroniques bernoises - Valérie Valkanap

Les Chroniques bernoises d’une Française expatriée à Berne

Dans ces chroniques, on rigole avec Valérie Valkanap de la bêtise de certains. L’auteure collectionne les rencontres avec de drôles d’oiseaux, comme sa voisine Bertha adepte de Schadenfreude (=la joie que procure le malheur d’autrui). Ou autour de ce lac où la baignade est uniquement autorisée aux habitants de la commune (!), ces baigneurs qui complotent pour la dénoncer aux flics, l’ayant entendu parler en français, jusqu’à ce que ses enfants lui répondent haut et fort en schwyzerdütsch.

Les expats suisses comme moi reconnaîtront des traits caractéristiques de leurs concitoyens – avec un certain soulagement d’avoir mis de la distance peut-être. En chaque retraité semble notamment dormir un flic en civil… Ce n’est donc pas une légende urbaine? Et on retrouve des particularités suisses, comme les buanderies communautaires dans les immeubles, où le vol de jour de lessive empoisonne les relations de voisinage.

Mais avec Valérie, on savoure aussi le meilleur de la vie bernoise – de la nage dans l’Aar au carnaval, dont elle s’est entichée et nous fait vivre l’ambiance. On s’y croirait! Son presque naufrage dans l’Aar me laisse un souvenir très drôle. Il manquerait encore des éléments indissociables de Berne comme un clin d’oeil à sa vie culturelle alternative, ses spécialités culinaires, le drôle de fromage en boule Belper Knolle ou le célèbre marché aux oignons .

Il y a juste les dernières chroniques, qui s’intègrent moins bien dans le recueil à mon avis. Les drôles de clients dans la boutique de chapeau font sourire, mais on s’éloigne pas à pas du sujet… pour finir en temps de corona, avec une poignée d’anecdotes masquées que j’ai trouvées en trop et un peu banales.

Bref, je vous recommande ces « Chroniques bernoises » pour une tranche de rigolade. C’est court, bien balancé, cela se lit bien! C’est aussi une super idée de cadeau pour un expat suisse ayant quitté la région bernoise…

→ On trouve facilement ce bouquin en France puisque l’auteure est publiée aux Editions Glyphe (Paris). Autour du monde, on peut se le procurer sur Amazon, et puis aussi en version kindle pour les adeptes de liseuses.

PS. YPFL décline toute responsabilité si ce livre vous donne le mal du pays.


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kantutita

Signes particuliers: toujours une tasse de thé et un livre à la main! Suissesse expatriée en Alsace, après plusieurs escales en France et une parenthèse montréalaise, je blogue depuis plus de dix ans! Et je cultive un faible pour la papeterie, le chocolat et le Japon...

3 réflexions sur “Le regard malicieux d’une Française sur Berne

  • « se la coincer », un helvétisme? Vous m’apprenez quelque chose! Et vous pourriez l’enseigner à nos dictionnaires usuels, Larousse et Robert, qui… se la coincent discrètement à ce sujet!
    Concernant Coop et Migros, c’est « à la » dans les deux cas pour moi. Jamais au masculin. Quant au « chez », c’est une question récurrente lorsqu’on rédige ou traduit, même lorsqu’il n’est pas question de nos supermarchés nationaux.
    Enfin, j’ai dû acheter un Borsalino chez Coup de Chapeau à Berne, il y a bien longtemps…
    Bonne fin de journée!

    P.-S.: ah – et pour un regard extérieur et astucieux sur Berne, fosse aux ours incluse, tentez également le roman « Les Mal Aimés » de l’écrivain paraguayen Esteban Bedoya. Ça vaut l’os!

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  • On dit aussi on va à la Coopé! C’est plutôt une vieille expression qui reste par nos campagne.. car la Coop c ‘est aavant tout une Coopérative…

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