A la uneLangues & Francophonie

Helvétismes 6: Encore des mots suisses!

On pourrait penser qu’après bientôt 9 ans à vivre en France, j’aurais fait le tour des mots suisses de mon vocabulaire. Qu’on ne me reprendrait plus sur des expressions régionales incomprises de la plupart des Français. Mais non! Quand y’en a plus, y’en a encore. Et cela pour mon plus grand bonheur après tout!

Voici des mots que j’utilise et qui font très suisse selon des Français de mon entourage. Après, grâce à vos commentaires et aux travaux de ce linguiste, j’ai bien dû réaliser que je partageais mes « mots suisses » avec nos amis de France voisine. On en a en commun, certains de ces mots régionaux, avec les Savoyards, Franc-Comtois, Alsaciens  – et même parfois les Lorrains. Etc. Les frontières administratives et linguistiques ne correspondent bien sûr pas. Mais chacune de ces expressions est une preuve de la richesse de la langue française.

Et n’en déplaise à certains toqués du dictionnaire: eh oui, mes mots suisses existent, et ils ne sont « pas faux »! Ils répondent juste à une norme différente, celle de la Suisse romande, parfois aussi celle du langage oral.

Voici donc ma dernière récolte de mots suisses! Qui vient grossir cette série de billets commencée aux débuts du blog.

Dans ma volée

« Dans ma volée, on était une vingtaine lors de mes études de journaliste. »

Ma volée, cela veut dire mon année aux études. Ma volée regroupe les camarades qui ont passé leur diplôme en même temps que moi. C’est un mot très pratique!

« J’ai revu des gens de ma volée à l’uni! »

Signofile

En Suisse comme en France, je râle à cause des gens qui pensent que ça sert à rien de mettre leur signofile en sortant des ronds-points. Le signofile, c’est le clignotant!

On utilise les deux en Suisse-romande.

Les becs mal interprétés

Un jour, j’ai écrit un SMS à une copine de type « Hello! J’amène quoi chez toi tout à l’heure? Des becs! » et elle m’a répondu « Oui, super, amène des bonbons! » J’y comprenais rien DU TOUT mais Hugo mon Français a décrypté le mystère. Elle avait interprété « des becs » pour « des bonbecs ». Ralala.

Alors que ça veut dire, « des bises ».

Il ne me restait plus qu’à trouver des bonbons à apporter pour ne pas la décevoir…

Tu veux une tablette?

Un de mes collègues, Neuchâtelois à bel accent, se remémorait ce mot de sa jeunesse: la tablette, pour dire un bonbon. J’ai aussi grandi dans ce canton, et je me souviens que ma petite voisine me proposait des tablettes.

Au début, je croyais qu’elle me proposait des tablettes de médicaments, chipés à ses parents, car je ne connaissais pas ce mot! Mais non, ce sont bien des bonbons. Peut-être que cela vient… de la « tablette de chewing-gum »?

Bon, et à ne pas confondre avec les tablettes de chocolat –  je dirais plutôt plaque de chocolat en Suisse d’ailleurs.

Ça coûte un saladier!

Une collègue française m’a confirmé qu’elle n’avait jamais entendu cette expression: « ça coûte un saladier! »

Ça veut dire que ça coûte un sacré paquet de fric, que ça coûte un bras.

Belle soirée, belle journée

Je signe depuis 8 ans mes mails en souhaitant une belle journée ou une belle soirée aux gens (même mes mails pro quand le ton est décontracté), mais je viens d’apprendre qu’en France on dirait plutôt… une boooonne journée. Mince alors. Je vais continuer à dire belle, TANT PIS!

Je me réjouis!

En Suisse romande (=francophone) on dit souvent « Je me réjouis! »

« On va partir en week-end ensemble le mois prochain. Je me réjouis! »

Des Français autour de moi ont relevé que dans l’Hexagone, on disait plutôt l’expression « je m’en réjouis » ou « j’ai hâte » que juste Je me réjouis.

Le parcours Vita

Vous savez, ce sont ces postes d’exercices dans les bois, avec des installations et des panneaux expliquant les gestes à faire.

En France, on les appelle « parcours santé ».

Mais je vous en avais peut-être déjà parlé, ou bien?

Mots suisses ou…?

Voilà des mots qui amusent mon conjoint, originaire du Sud de la France. Le doute subsiste car je ne les ai pas trouvés répertoriés en tant que mots suisses. Dites-moi dans les commentaires si vous les employez / connaissez en France et d’où vous êtes!

Les séances

Selon mon Français, la séance est encore un mot plutôt suisse!

Moi: « Tu as une séance demain non? »

Lui: « Heu… tu veux dire une réunion? »

Ma mère, prof, avait tout le temps des séances des parents, un classique! (Réunion profs – parents d’élèves)

Aller au kiosque

Comme je suis une grande lectrice de magazines, cela fait 8 ans que je parle de kiosque en France. « Je vais au kiosque, voilà mon butin de kiosque, il faut que je trouve un kiosque… » Vous savez, c’est l’endroit où on achète la presse (et des Twix et des Tribolo) en Suisse.

J’ai appris la semaine dernière qu’on disait pas ça en France. Qu’un kiosque, c’était plutôt une de ces petites échoppes dans la rue – qui vend des fleurs ou des journaux parfois – mais que cela ne s’utilisait pas pour tous les vendeurs de presse – surtout quand ils sont dans un espace moche dans une gare.

Alors je vais où moi maintenant? Au bureau de tabac pour acheter des magazines? Je suis bien empruntée. Je vais sans doute garder mon « kiosque ».

Mmmmh… et je me dis que ça doit nous venir de nos voisins suisses-allemands. Cette chanson intitulée « Krioskr » (en phonétique) me met la puce à l’oreille.

Des visites

« J’attends des visites pour ce soir! » Cela signifie… des visiteurs, des convives, du monde quoi.

« Une visite a oublié son écharpe »

C’est un classique courant, qui s’utilise aussi en France – mais les Français du Sud autour de moi trouvent cela étrange.

Et après on se moque des Québécois qui disent « une police » pour un policier, parce que cela nous sonne comme du langage enfantin. (Voir les mots québécois) Alors qu’en Suisse j’ai attendu bien des visites (souvent très ponctuelles d’ailleurs)!

Un cantonnier

Reconnaissable à ses vêtements de travail orange, le cantonnier est un employé de voirie.

« Je dis bonjour au cantonnier qui nettoie le trottoir devant la gare »

Je ne crois pas qu’ils soient habillés en orange en France ou bien? Et comment les appelez-vous?

Pédaler dans le yoghourt

Je vous quitte avec une dernière question essentielle: dites-vous yaourt ou yoghourt? ;) En Suisse, on comprend les deux, mais je lis et j’entends surtout le yoghourt! Il semblerait que ce soit aussi vrai chez les Belges et les Québécois.

Les Français préférant les yaourts, je me suis adaptée pour ne plus voir leurs yeux s’arrondir. Ce billet intéressant du linguiste Michel Francard fait le point sur la question ici!

J’espère que cette nouvelle série d’helvétismes vous aura plu. Si vous êtes friands de mots suisses, retrouvez les différents tomes de la série ici.

Et n’oubliez pas de me laisser les vôtres en commentaires, si je ne les ai pas encore répertoriés dans les 5 billets dédiés!

Racontez-moi aussi vos quiproquos avec ces mots, c’est toujours si drôle!

kantutita

Signes particuliers: toujours une tasse de thé et un livre à la main! Suissesse expatriée en Alsace, après plusieurs escales en France et une parenthèse montréalaise, je blogue depuis plus de dix ans! Et je cultive un faible pour la papeterie, le chocolat et le Japon...

21 réflexions sur “Helvétismes 6: Encore des mots suisses!

  • « séance », un helvétisme? En bon francophone de Suisse, j’en suis le premier surpris! C’est marrant, d’ailleurs: je l’ai trouvé dernièrement dans « 10 heures 10 », roman écrit par une auteure française installée en Suisse, et explicité en note de bas de page comme helvétisme. Je vais me renseigner plus avant.

    Pour ce qui est de « se réjouir », en effet, en Suisse, dire « se réjouir à l’avance » est perçu comme un pléonasme, alors que c’est tout à fait régulier en France.

    Quant au pédalage, on l’a aussi avec la choucroute ou la semoule… bon appétit! ;-)

    Répondre
  • Alors ça, je ne savais pas du tout qu’en France on achetait pas son magazine au kiosque!! Et qu’écrire « belle journée » dans un mail c’était bizarre… Et tu m’as rappelé les « tablettes », je ne l’ai pas entendu dans le sens de « bonbons » depuis des années, mais mes grands-parents disaient ça quand j’étais petite!

    Répondre
  • Je soupçonne nos séances d’être des traductions littérales des Sitzungen de nos compatriotes Suisses-Allemands, qu’en penses-tu? je ne l’entends plus beaucoup au travail, bossant pour une multinationale où les français sont assez nombreux, c’est donc plutôt réunion et encore plus souvent meeting.

    Répondre
  • Côté « séances », pour en avoir le coeur net, je suis allé voir dans Larousse et Robert… qui considèrent que « séance » est un synonyme de « réunion », sans mention d’une quelconque régionalité suisse ou autre. Cela, avec des expressions telles que « séance tenante ».
    Dans mon entreprise, s’il faut faire une distinction, on réserve les « séances » à la direction du groupe, les autres réunions n’étant, en français, que… des « réunions ».

    Répondre
  • En France comme en Suisse, le terme séance est utilisé principalement pour désigner des rencontres régulières et bien encadrées d’un organe institutionnalisé. On parlera des séances d’une assemblée parlementaire ou dans le cadre d’un séminaire universitaire.

    En Suisse, il y a une certaine tendance à utiliser le terme « séance » pour toutes les réunion de travail, en calquant l’allemand « Sitzung » (le même phénomème est observable en italien).

    Sur l’Arc lémanique, aujourd’hui il est très rare entendre des gens de moins de 50 ans dire « je suis en séance ». Il a une connotation quelque peu vieillotte et bureaucratique. Le terme « réunion » sembre avoir pris le dessus.

    Le terme « meeting » peut être occasionnellement utilisé dans des contextes où les interférences avec l’anglais sont fortes. Il en reste qu’il est généralement utilisé comme faux anglicisme pour désigner un grand rassemblement politique, qu’on appellerait plutôt « rally » en anglais.

    Répondre
  • Je me souviens que dans les annees 70, les parcours de sante français s’appelaient parcours Vita. Alors ce n’est pas si surprenant. Belle soirée.. .

    Répondre
    • Oh! Ainsi il a dû changer de nom. Parfois c’est difficile de démêler si l’influence pour les mots utilisés en Suisse romande vient de l’allemand de nos voisins… ou d’ailleurs!

      Répondre
    • En Suisse parcours vita vient à l’origine d’une assurance…quand ils ont voulu changer le nom avec le nouveau nom de l’assurance, ça n’a pas marché et parcours vita est resté.

      Répondre
  • Adieu. Anglais francophone de Suisse, je me découvre, en lisant c’te blog génial, mégahelvétophone, en fait. De bleu, tant de suissicismes insoupçonnés.

    Répondre
    • Excellent! Eh oui, on ne s’en doute pas avant de partir ailleurs dans la francophonie…
      en notant que les mots dépassent les frontières, et certains mots « suisses » sont aussi utilisés en Alsace, Savoie, Franche-Comté…
      Merci pour le mot sur le blog et à bientôt!
      Kantutita

      Répondre
  • moi je suis parisien et ce que tu appelles une volée semble correspondre a ce ce nous appelons une promotion ou une promo. Seuls les oiseaux se déplacent en volée.

    sinon je suis ravi d’apprendre que tu utilises les deux clignotants. Moi j’utilise que le droit. Pour tourner a gauche, je fais un bras d’honneur par la fenêtre. Les parisiens comprennent. ;)

    Répondre
    • Ha ha ha :D J’adore la technique parisienne pour indiquer qu’on tourne…
      J’ai bien ri.

      Ah, la promo, bien sûr! Merci pour tes mots par ici.

      Répondre
  • Sympa cet article.
    passer la panosse! (passer la serpillière)

    Répondre
  • En France on ne peut pas joindre quelqu’un au téléphone, en Suisse on ne peut pas l’atteindre!!!!
    (si tu ne peux pas l’atteindre c’est que tu as le bras trop court)

    Répondre
  • Merci beaucoup pour cet article très intéressant ! Quand j’ai lu le point de « tablette », cela m’a rappelé le terme que nous utilisons en suisse-allemand. J’ai grandi au canton d’Aargovie, et là, nous disons des « Täfeli » pour des bonbons. Alors, peut-être que « Tafel + -li » (avec un substitut de « ä » à « a », un phénomène récurrent en allemand) et « table + -ette », c’est la même construction en suisse-allemand et en français ?

    Répondre
    • Le -li est un suffixe (formé depuis -lein), qui correspond effectivement au « ette ». Le lien entre Täfeli et tablette s’est probablement fait dans les cantons bi-lingues. Ma fille me faisais remarquer par ailleurs, que le « je me réjouis » était probablement issu de l’allemand: Ich freue mich.

      Répondre
    • Le -li est un suffixe (formé depuis -lein), qui correspond effectivement au « ette ». Le lien entre Täfeli et tablette s’est probablement fait dans les cantons bi-lingues. Ma fille me faisait remarquer par ailleurs, que le « je me réjouis » était probablement issu de l’allemand: Ich freue mich.

      Répondre
  • Je me suis retrouvé ici parce que j’ai sorti celle du saladier aujourd’hui, sans avoir conscience que c’était un helvetisme! Mais on m’a répondu que c’était joli et très parlant! Donc plutôt positif.

    Répondre

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *