Enquête sur le français de nos régions: les résultats
Vous vous souvenez, cet été, je vous avais proposé de participer à une enquête sur les mots suisses et des régions françaises, lancée par les linguistes des universités de Neuchâtel et Zurich. Il est temps de jeter un œil à leurs premiers résultats…
Ça y est, on va enfin savoir quels mots sont vraiment suisses ou pas, et si les Belges sont de notre côté ou de celui des Français! Les linguistes des unis de Neuchâtel et de Zurich ont commencé à décortiquer les résultats de leur grande enquête sur « le français de nos régions », et les partagent au fil des mois sur un site dédié à l’étude.
Pour rappel, ils ont lancé des questionnaires en ligne en mai et en septembre pour recueillir des données sur les usages en Suisse, en France mais aussi en Belgique. Y répondre, c’était l’occasion d’être confronté à des expressions amusantes, croyez-moi! Pour ceux que ça intéresse, il est toujours possible d’y participer ici. J’avais relayé le lien via l’infolettre du blog et la page Facebook – si vous les aviez raté, cliquez pour nous rejoindre!
Les mots ne connaissent pas les frontières…
Grâce à l’étude, on va savoir précisément dans quelles régions francophones des mots comme PANOSSE, CHOCOLATINE ou CORNET sont utilisés! Les chercheurs s’amusent en effet à cartographier les résultats, en couleur. Autant vous dire que parcourir ces données m’a passionné, car il est toujours difficile de savoir où s’arrêtent les frontières d’une expression… Un mot perçu comme suisse existe parfois de l’autre côté de la frontière, même s’il n’est pas reconnu par la norme « parisienne »!
J’ai d’ailleurs eu une conversation très intéressante avec un des linguistes, Mathieu Avanzi, au téléphone. Il m’a expliqué que l’usage de certaines expressions, pourtant considérées comme typiquement suisses par nous autres Romands, ne s’arrête en fait pas à la frontière. Ce Savoyard d’origine, expatrié en Suisse pendant des années, m’a appris qu’il y a finalement peu de différences entre la Suisse francophone et la France voisine. On est plus que des voisins, on partage un même vocabulaire et des expressions, en plus de notre amour inconditionnel pour la fondue!
Une étude linguistique pour valoriser les mots suisses, belges et les régionalismes français
En plus du lexique (soit les mots et les expressions), l’enquête s’intéressait à des tournures de syntaxe (l’ordre des mots dans la phrase) et aux différences de prononciation, qui varient avec les accents locaux.
Le but de la démarche était à la fois de recueillir de nouvelles données (cela fait depuis les 80s environ qu’il n’y a plus eu de grande recherche sur ces particularités régionales) pour constituer des ressources qui serviront à différentes études. J’imagine aussi qu’avec le web, cela simplifie la collecte des data, c’est fantastique! D’ailleurs plus de 20’000 francophones y ont déjà participé. Merci à tous ceux qui ont relayé les liens sur les réseaux!
L’autre objectif des chercheurs c’est de rendre leurs résultats accessibles au grand public, et de valoriser ce patrimoine local! Soyons donc fiers de nos mots régionaux, et apprenons à mieux les repérer grâce aux cartes préparées par nos linguistes…
Les expressions et leur origine géographique
Les chercheurs partagent leurs conclusions sur le site du projet, à la manière de billets de blog. Je les ai recensés ci-dessous, pour que vous puissiez picorer ceux qui vous intéressent le plus. J’aime beaucoup leurs cartographies des différents mots, qui nous renseignent en un clin d’œil sur les régions où ces expressions sont effectivement employées.
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Pain au chocolat ou chocolatine
Mmmh! Difficile de ne pas craquer pour une chocolatine pour le petit-déjeuner… Plus courante dans le Sud-ouest de la France, cette expression remplace le « pain au chocolat » utilisé majoritairement ailleurs, en France comme en Suisse ou en Belgique.
À Montpellier, je me souviens qu’on dégustait les deux selon sa boulangerie! Retrouvez l’article complet avec des schémas et cartes géographiques sur le blog des linguistes
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Déjeuner ou dîner?
Vous verrez ici que c’est clair et net. Les Suisses et les Belges dînent, et les Français déjeunent à midi. Oui, oui, et cela ne veut pas dire qu’ils on raté leur réveil!
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Le cas des cornets, sachets, poches et pochons
Moi je demande un cornet à la caisse, pour y ranger mes emplettes. Enfin, quand je suis en Suisse! Un autre synonyme est un « sac plastique » ou un « sachet« . Mais d’autres francophones disent, une « poche » (j’adore) ou un « pochon« ! Un résumé de ce qui se dit où sur cette carte et dans cet article…
Schéma provenant du site « Le Français de nos Régions »
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Écarts de prononciation
Est-ce que chez vous foot rime avec botte? Cela pourrait trahir votre origine cantonale… En savoir plus!
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La vérité sur la panosse… et ses 10 variantes
La question était « Comment appelez-vous la pièce de tissu utilisée pour nettoyer par terre? » La réponse est à géographie variable: cinse, panosse, la wassingue, la pièce, la loque, le chiffon, la patte, le torchon, la toile, le lave-pont. Malgré cette diversité, la serpillère est la grande gagnante, sans surprise!
En tant que Suisse, je dis panosse ou serpillère. Et cela m’a amusé d’apprendre que panosse est aussi employé en région Rhône-Alpes, car c’est perçu comme un mot typiquement suisse chez moi! J’ai été étonnée de voir qu’en Franche-Comté et dans le Lyonnais, on emploie le mot patte – qui désigne pour moi une autre pièce de tissu, destinée elle à nettoyer la table!
Sinon la wassingue, empruntée au flamand, est utilisée au Nord de la France. Et dans le Sud, cela varie entre torchon, toile ou pièce selon les régions! Vous pouvez découvrir le détail sur cette carte et sur ce lien.
Schéma provenant du site « Le Français de nos Régions »
Ah, quel bonheur cette diversité! Je n’aurais jamais imaginé qu’il y avait autant de façon de dire panosse ou cornet, deux mots dont je ne parviens pas à me débarrasser malgré mes 5 ans d’expatriation en France!
Et vous, vous dites quoi chez vous?
Qu’est-ce qui vous amuse le plus dans ce catalogue d’expressions?
Pardon, l’interface du site m’a joué le vilain tour d’empêcher les commentaires ici! Ils sont à présent ouverts!
Test 2…
Bonjour Kantutita. Haut-Savoyarde des environs d’Annecy, tout ce que je lis sur ce site me fait réellement plaisir. Oui, effectivement, lorsque je vais dans « le reste de la France », on me prend pour une Suissesse… (ça ne m’est pas désagréable du tout).
Nous avons effectivement un langage spécifique commun. A la petite école, nous avons appris le calcul et les tables de multiplication avec septante et nonante, et je calcule toujours ainsi. Pour faire enrager les commerçants, au moment du règlement, je leur traduis ainsi, et ça les décontracte toujours…
Pour moi, la panosse est très efficace, je pense qu’une lavette doit nettement moins bien nettoyer… et une wassingue doit être plus rêche… et puis le pochon doit être trop mou pour contenir mes fruits, alors que le cornet « se tient » bien….
Mais non… je ne suis pas chauvine… pas du tout…
Merci de votre site, je vais continuer à vous suivre….
Bonjour Michelle et bienvenue sur le blog!
Merci beaucoup pour ces anecdotes, que c’est intéressant!
Je découvre en effet que nous avons tout un langage en commun…
J’ai adoré votre ressenti sur le cornet et le pochon ;)
N’hésitez pas à laisser des commentaires alors quand vous venez par ici: c’est super d’avoir le point de vue d’une Haute-Savoyarde sur ces mots!!
Étant suisse par ma mère, mes frères et moi avons connu les septante, huitante, nonante et nous aimions les employer pour que les petits camarades pas sympa (nous traitant de petits suisses – nous étions en région toulousaine) ne comprennent pas. Plus tard, j’ai rédigé une chèque au trésor public à Toulouse, intitulé « nonante »; on me l’a refusé; j’ai réitéré en leur indiquant que c’était dans le dictionnaire (Larousse). J’ai arrêté depuis, mais il est vrai que c’est moins fastidieux à écrire que « quatre-vingt-dix ».
Exact ! moins fastidieux à écrire, et plus rapide à comprendre. Lorsque j’étais jeune, nous avions de longs listings de chiffres à vérifier à deux : l’une lisait à haute voix, et l’autre vérifier en lisant. Lorsque l’on commence à prononcer No… on sait de suite que c’est dans les 90, alors que si on commence par « quatre »…. et bien, il faut attendre la fin du chiffre !!!!! je ne sais si je me suis bien fait comprendre, mais c’était extrêmement plus facile…
J’avais participé à l’enquête, et clairement, en tant que haut-savoyarde, j’ai un langage très riche en expressions vaudoises et surtout valaisannes ! Confirmé par les non-locaux. Et si je sort de « mon pays », pour aller en Lorraine par exemple, dans le Nord ou le Sud (lieux où j’aille reste de ma famille), tout le monde pense que je suis suisse. Un de mes oncles m’a surnommé dès toute petite sa suissesse préférée à cause de mon accent :)
Je viens aussi de faire ton petit test des expressions suisses, 15/15 et une partie dans mon langage de tous les jours. Comme la panosse, déçue en bien, il roille, ou il pleut sec (mon mari adore cette expression), un cornet, encoubler, septante…, etc…
Donc il est évident que la Suisse déborde en France. Alors que je ne crois pas que l’inverse soit vrai… Et j’aime cela.
Ayant de la famille dans le Sud (région Fréjus), je connais aussi des expressions spécifiques, et c’est coloré, j’adore donc tes posts à ce sujet.
Et avec mon mari qui est du Nord, ça me prouve chaque jour combien le français est loin d’être une langue unique. C’est une base commune, agrémentée et/ou enrichie de façon plus ou moins locale. On dirait d’ailleurs que c’est une particularité de cette langue, car je ne suis pas sûre que l’anglais y soit réellement soumis…
Merci à toi, ton blog est un bon moment à chaque passage :D
Bonjour Nathalie, merci beaucoup pour ce long message que j’ai eu plaisir à lire!
C’est rigolo comme témoignage, une Savoyarde perçue comme une petite Suissesse, et qui a adopté plein d’expressions suisses! Vous dites vraiment « Y roille », s’encoubler et septante en Haute-Savoie, ou c’est toi qui est particulièrement sensible aux mots suisses? :) C’est très intéressant en tout cas!
Et wahou, le triangle « Sud, Nord, Savoie » doit permettre d’entendre plein d’expressions variées dans les conversations de ta famille, c’est sympa!
Merci beaucoup pour ton message, et tes encouragements pour le blog ;)
Bonjour Kantututa,
Pour te répondre, oui ce sont des expressions fréquentes chez les vrais d’ici, j’entends par là les anciens, les locaux d’ici. Entre campagne, montagne et villes, tu entends clairement la différence. La localisation compte aussi. Mais ici au Pays du Mont-Blanc par exemple, nous sommes nombreux à parler « suisse ». Les racines, tant terrestres (lieux de vie) que familiales influencent totalement le langage et l’accent, c’est frappant. Je dirais presque que tu as le citadin « français » et les autres. C’est tout aussi remarquable selon où et avec qui tu travailles… Le langage du terroir est un savant mélange de patois savoyard (proche des expressions valaisannes, vaudoises et genevoises aussi) et d’expressions suisses, avec « l’accent ». C’est pourquoi où tu grandis et qui tu fréquentes définis totalement comment tu parles, dans le Nord et l’Est de Haute-Savoie du moins. Hors sensibilité personnelle.
Oui, si on réunissait la famille au sens large, ça pourrait donner de belles rigolades. Déjà petite, les réunions Alsace-Midi étaient épiques, alors ajoutant Nord et Haute-Savoie, wow :)
Au plaisir
Merci beaucoup Nathalie pour ces précisions, c’est passionnant!! :)
Je discutais avec un linguiste originaire de Savoie qui allait dans le même sens.
C’est vraiment intrigant la Savoie!
Bonjour
Oui, c’est très vrai ce que dis Nathalie par rapport aux citadins et aux autres.
Pour ma part, j’ai grandi dans le sud du Territoire de Belfort, à Delle plus précisément et là, les mots et expressions du style « allume voir la télé » sont très courants, ainsi que cornet. Y a aussi l’habitude d’interpeller tout le monde par son prénom en rajoutant « La », ou « Le »… par exemple, « ah, elle est là, la Sophie… ou l’Aurélie ou le Jean… et le chni aussi, entre autres.
Ensuite, j’ai vécu une vingtaine d’années près de la frontière genevoise, côté Yaute (Haute-Savoie), et là, c’est les « mais j’y sais » et autres panosses, entre autres, ainsi qu’une petite habitude de traîner légèrement sur les a, par exemple, le caaasque
Et là, je finis ma sixième année en Belgique. Parfois, il m’arrive « d’embêter » les gens en rajoutant le huitante et le nonante (entendus encore maintenant dans certains coins de ma Haute Savoie)
Par contre, je me rappellerai toujours de mon étonnement devant les « barabans » d’une copine qui était originaire de Saint-Etienne ! Pour moi, c’était simplement des feuilles de pissenlit !
Ah, j’adore les mots et la langue ! Merci pour ces compilations :)