Un livre dédié aux mots vaudois
Si vous êtes friands de mots typiquement suisses, vous allez aimer le nouveau venu de ma bibliothèque! Il s’agit d’un lexique entièrement dédié aux mots du pays de Vaud…
Son titre précis: « Langage des Vaudois, mots et expressions ». Cet ouvrage de référence est une sorte de dictionnaire de mots vaudois. Dans ses 300 pages, il réunit une flopée de mots et d’expressions de ce canton, patiemment réunis par l’auteur, Bernard Gloor. Ce dernier précise quand même que l’exhaustivité n’est pas garantie!
Il les a recueillis en épluchant d’autres lexiques spécialisés, et en relisant les auteurs du cru (dont Ramuz bien sûr!). Ce retraité passionné par les mots du terroir nous propose ainsi une plongée dans le parler du canton de Vaud au travers de 4000 termes, expliqués, avec parfois leur étymologie.
Vaud, c’est le canton où se trouve la belle ville de Lausanne au bord du lac Léman par exemple, je situe pour nos amis français!
Le livre a trouvé sa place dans ma bibliothèque, à côté du dictionnaire du suisse-romand et de mon précieux volume sur le parler neuchâtelois.
Pour info, « Langage des Vaudois, mots et expressions » est vendu pour CHF 40.- aux éditions Cabédita, basées à Bière (oui c’est une commune suisse!). Sinon, on le trouve aussi pour 35 € sur Amazone.
L’influence du patois sur le lexique vaudois
J’ai eu l’occasion de discuter par téléphone avec Bernard Gloor, et il m’a expliqué que 90% des expressions qu’il a recensées dans son livre viennent du patois vaudois. Rappel pour ceux qui ne connaissent pas trop l’histoire des patois dans le coin. Ces langues découlent en fait du latin, au même titre que le français, l’occitan ou l’italien. Elles font partie des langues régionales regroupées sous le nom de francoprovençal ou arpitan (oui, oui, comme le patois d’Évolène), que l’on retrouve en Suisse, mais également en Italie et en France.
Vous connaissez la suite de l’histoire, qui est similaire pour la plupart des langues régionales en France et en Suisse romande. Durant le XIXe siècle, le patois est banni des écoles au profit de la langue de culture et de pouvoir, soit le français.
Le patois vaudois n’est cependant pas mort. D’abord parce qu’ils reste 70 personnes qui le parlent, selon Bernard Gloor, qui a pu l’apprendre auprès d’un de ces patoisants. Ensuite parce qu’il survit en quelque sorte grâce à l’héritage de mots transmis dans le français régional des Vaudois, pour preuve, ce livre! Sans oublier que le fameux accent vaudois, que j’adore, vient aussi de la prononciation héritée du patois.
Place aux mots vaudois!
Ok, je sais à quoi vous pensez, tout ce blabla commence à vous sortir par les oreilles et ce que vous voulez là, maintenant, tout de suite, ce n’est pas une leçon de linguistique mais goûter à ce délicieux terroir! Vous voulez apprendre des mots vaudois? Voici donc quelques expressions glanées dans le livre. Notez bien que je ne les utilise pas personnellement, étant neuchâteloise, donc du canton d’à côté. Tout vaudois qui passerait par là et aurait envie d’apporter des précisions est donc le bienvenu.
Mon top 5
Détabler pour débarrasser la table (efficace! quelle économie de mots!)
La crapenisse pour l’avarice (quelle poésie!)
La papette pour désigner la boue… c’est mignon non? et par extension le terme désigne une préparation culinaire sous forme de bouillie. Ca vous rappelle pas quelque chose? Mais voui, le papet vaudois vient de là, la spécialité culinaire du pays de Vaud qui se rapproche d’une choucroute (de mon point de vue, je suis sûre que les Vaudois vont hurler au scandale), mais avec des poireaux et de la charcuterie différente, le tout en vrac dans une casserole.
Être déçu en bien Expression cultissime que je connaissais déjà bien sûr, et que je me permets d’utiliser de temps en temps pour guetter la réaction des Français. Cela signifie l’inverse d’être déçu en fait, un équivalent pourrait être « être surpris en bien »
Économiser la vérité signifie « mentir »
Bernard Gloor remarque: « Ces expressions font partie de l’identité vaudoise. Une spécificité: les Vaudois ne sont jamais très directs, ils utilisent volontiers la litote et des tournures imagées. »
Expressions suisses: des frontières floues
En feuilletant le lexique, les habitants des cantons voisins en reconnaîtront d’ailleurs qui ont aussi cours chez eux et râleront certainement comme moi en disant « Mais, c’est pas vaudois dézaquer et tacon, c’est neuchâtelois! Ou alors on partage au moins… » Forcément, les patois des différents cantons restent des langues proches et ont visiblement des expressions en commun. Je précise tristement que le patois neuchâtelois de mon petit canton est par contre éteint, il ne compte plus de locuteurs naturels (soit qui l’ont appris par transmission normale).
J’ai aussi eu la surprise de tomber au détour d’une page du lexique sur quelques expressions qui existent aussi en France et me semblaient communes, comme boucan. Peut-être des erreurs? Il est toujours difficile de définir les frontières d’un mot!
Je précise que Bernard Gloor est un passionné, mais doté d’un background universitaire. À sa retraite, il a décidé de reprendre des études de français médiéval à l’université de Lausanne! Ce qui lui a donné un coup de pouce au moment d’apprendre la patois vaudois. « Finalement, ce n’est pas si éloigné du français. En quatre ou cinq sessions de deux heures, on apprend les bases si on a des facilités, » m’a-t-il confié – je suis impressionnée par ce bonhomme en tout cas!
Bernard Gloor, auteur d’une sorte d’un dictionnaire de mots vaudois Crédit photo: JD Gloor
D’après lui, après avoir sauvegardé notre patrimoine matériel, comme le Château de Chillon et le Lavaux, c’est logique de s’intéresser au patrimoine immatériel, dont les langues régionales font partie! Et c’est bien par vocation de sauver un patrimoine local qu’il a rédigé ce lexique, car il lui semble entendre de moins en moins les expressions croustillantes qui reflètent l’âme du pays de Vaud et qu’il aime tant. En attendant, il les utilise avec ses amis du même âge, et ses petits-enfants!
Alors, est-ce qu’on se met à utiliser nous aussi des mots vaudois pour appuyer sa démarche? ;)
Devinette: À vous de trouver ce que veulent dire ces mots.
- Une défreguillée
- Un pétaquin
- Un tioubrenique
- Être de bise
* Les solutions sont plus bas *
[Solutions de la devinette: une défreguillée est une raclée (et l’adjectif défreguillé veut dire mal fagoté), un pétaquin un quidam, un homme quelconque. Un tioubrenique est un simplet et être de bise, c’est être de mauvaise humeur]
À vous, à vous maintenant!
S’il y a des Vaudois dans la salle, certains utilisent-ils ces mots couramment? Quelles sont vos expressions vaudoises favorites?
Cultivez-vous une affection particulière pour les expressions de votre français régional, en Suisse ou en France? Et avez-vous trouvé un livre les recensant?
Coucou miss Y a pas le feu au lac,
C’est marrant les mots du patois que tu as choisi, car à part être de bise, déçue en bien et économiser la vérité, en tant que Vaudoise, je ne les connaissais pas.
Voici ceux qui me sont nettement plus familier:
Tiaffe: En ce moment, il fait une de ces tiaffe! (chaleur étouffante).
Chotte: Et quand l’orage tombe, on court se mettre à la chotte (à l’abri).
Modzon: L’été, ils sont à la montagne ou dans les pâturages (les taurillon).
Mais aussi: Pétouiller (traînasser, hésiter), raisinet (groseille rouge)…
Je conseille http://www.topio.ch pour tester ses connaissances en patois vaudois et faire le http://www.parlometre.ch/ pour savoir si vous parlez plutôt vaudois, valaisan, genevois, neuchâtelois, fribourgeois ou jurassien.
Amusez vous bien (ou en tout cas autant que moi) :)
Faibnne
Trop drôle cet article, Jean-David Gloor est un collègue de travail (c’est donc le fils de Bernard Gloor), j’ai reçu ce livre la semaine dernière :D
Il me semble avoir commenté déjà une fois le blog, j’ai le parcours d’immigration inverse du tien : sudiste (entre Marseille et Toulouse) qui vit à la Vallée de Joux :) Je suis régulièrement étonnée par les similitudes entre le provençal et le vaudois (voire le « combier », langage de la Vallée…) !!
Je pense que vous vouliez dire le francoprovençal(arpitan) une langue présente en Rhône-Alpes,en Suisse Romande sauf le Jura et en Vallée d’Aoste(Italie) cette langue est divisée en dialectes:le savoyard,le lyonnais,le jurassien(en France),le Valdôtain(Italie),le Fribourgeois,le Genevois,le Neuchâtelois,le Valaisan et le Vaudois.J’ai trouvé un sitequi explique qu’est-ce qu’est l’arpitan.Je vous conseille aussi le Cahiers de l’Observatoire des pratiques linguistiques, n° 3 : langues de France, langues en danger (aménagement et rôle des linguistes) dans ce rapport à la page 59 il y a écrit:« Le francoprovençal est (ou était) la langue autochtone de toute la Suisse romande – à l’exception du Jura qui appartient au domaine d’oïl avec son dialecte franc-comtois (parlé dans le canton de Jura et dans certaines contrées du Jura bernois, qui fait partie du canton de Berne)Curieusement, la vitalité du francoprovençal en Suisse est (avec des différences selon les
cantons) encore plus atone qu’en France. Dans presque tous les cantons de la Suisse romande,
il n’est plus employé ni transmis aux enfants. Dans quelques cantons, on ne trouve plus aucun
locuteur du parler local ». À la page 60 il y a un tableau où il y a les cantons romands on peut voir pour le Vaud:« Le patois n’est généralement plus parlé que dans des localités situées en dehors des grandes
voies de communication et par un petit nombre de personnes âgées. ».
Bref à l’avenir,utiliser le mot francoprovençal(arpitan) au lieu de patois car les autres langues régionales de France sont des patois.
Je suis depuis près de cinquante ans au Québec, et y ai pris racine. Et si, pour être compris, je ne puis guère user des mots de mon enfance, « C’est bonnard ! » ou encore « Y roille », il m’en reste un bon nombre enfouis dans ma mémoire et qui parfois ressortent. Mais je n’ai eu personne de ma famille qui ait su parler ce « patois », ni du côté de ma mère, côté du Jura, ni de mon père, des Ormonts. Mais ses trois sœurs ont toutes été « roille-gosses » ! et je ne sais pas si, aujourd’hui, ce mot pourrait être encore accepté !
Mais il est vrai que les mots du terroir ont, comme les vins, les fromages… une saveur que n’ont pas les autres mots, ceux trop polis par l’usage et qui souvent font songer à ces fromages industriels…
Quel plaisir de ressortir ces mots ancrés dans le terroir en effet! J’espère que vous aurez l’occasion d’en utiliser quelques uns, même s’ils détonnent au Québec. Merci en tout cas pour votre commentaire, j’aime beaucoup la métaphore entre mots du terroirs et fromages… Bien trouvé!
Super ton article!
Toutefois, je ne peux pas ne pas hurler au scandale de ta description du papet!!! Le meilleur des mets régional, incomparable aux autres pour tout vaudois l’ayant mangé dès son enfance!
Pour les mots que tu as choisis, je t’avoue être restée perplexe, à part la papette, je n’ai jamais employé ou entendu ces expressions par ici!
En voici quelques uns bien typiques selon moi et encore courants, peut-être que certain ont passé la frontière, mais hors du canton, il ne me semble pas les avoir entendues…
Tout d’abord notre beau huitante logique est doux à entendre malheureusement si peu compris hors canton… /je me refuse d’en donner le sens, c’est un chiffre, seul indice)
Une bedoume (féminin aussi pour les hommes), un benet ou un topio, un gniolu, un toillet (ou toyet): cette liste me fait dire qu’on doit avoir beaucoup d’idiots du village ou alors c’est ceux de dehors :D
Un bouèbe (un gosse, un enfant, quoi!)
Quand on communique, on peut barjaquer ou batoiller (beaucoup parler), boueller (crier, mais on pousse une bouellée en principe)
Prendre une brossée (se faire gronder, pas très doux… en général, une agnaffe, une giffle, une baffe (pour ceux qui n’avaient pas encore compris) a accompagné les paroles) et celui qui donne la brossée quinte (du verbe quinter) en général (il se fâche).
Aller aux cagouinces faire une petit pisson (aller aux toilettes)
Un objet carré-bossu a généralement pris des coups et dans le même cas, un humain se sent tout patraque.
S’il fait une sacrée cramine dehors, on se caille et ensuite on a la débattue (oui, il peut faire très froid dans ce beau canton et du coup on a froid et après le sang tape dans les articulations)
Une chambre en cupesse c’est comme le chenit ou en fourbi dans le reste de la suisse romande et en désordre chez nos voisins français.
Quand les enfants sont petits, ils se chicanent, plus tard, ils s’envoient des fions (compris, ou besoin de traduction?)
Un truc qui marche plus bien péclotte
On se fait marier par un/une pétabosson (personne de l’état civil qui célèbre les mariages, et ce terme est très officiel contrairement à tous les autres).
Un terme que j’ai plus souvent entendu et employé pour la papette c’est la peuffe (aussi utilisable pour le brouillard de la plaine de l’Orbe et pas uniquement pour la boue).
à Lausanne beaucoup d’hommes ont pris une fâcheuse tendance de reluquer les filles.
Je rejoins aussi Fabienne pour la tiaffe, et dans ces cas-là, on est vraiment contents s’il roille. Par contre, si vous dites à quelqu’un qu’il est roillé, il risque de pousser une ciclée. ( vous le ramener dnas la longue liste du début), Si possible, pour faire très plaisir aux français du sud, il fait le dire avec l’accent et finir par « ou bien » ou alors « ou pas » « Mais t’es roillé au bien? » sera probablement très bien accueilli par des rires.
Et puis finalement on part pioncer quand on est trop raides (dormir quand on est cassés de fatigue) mais un roupillon ou un cloppet peut parfois suffire (une sieste)
Petit conseil d’ami pour la fin, ne vous désaquez pas sans savoir ce que ça veut dire!!
Des façon de parler bien suisses qui font toujorus bien rire mes amis jsutement du côté de Montpellier quand j’y vais sont les « ou bien » « ou pas » en fin de phrase sans rien derrière. Ils les emploient dès qu’ils veulent imiter l' »accent suisse ». Ca semble est une imitation des « une fois » belges.
J’espère que cette longue liste vous fera rire.
Merci pour ton message!
Oh, j’ai pris le risque de froisser des Vaudois avec ma description du papet, j’aime vivre dangereusement ;)
C’est vrai, on m’a fait remarqué que j’ai choisi des mots amusants, mais qui ne sont plus très courants… Mais ne connaissant pas le vaudois, j’ai dû les prendre au pif dans le lexique!
Alors merci pour cette liste d’expressions qui m’a bien fait rire!!
Avec plaisir!
Bonjour,
Je viens de voir que dans votre bibliothèque ne se trouve pas le livre « Parlons Vaudois » de J-P. Cuendet. ^^ Après réflexion, il semble que cela soit plus des dictionnaires, ce qui expliquerait peut être :)
Après je ne connais pas le livre présenté, je ne connais uniquement que celui que je cite, qui donne des recettes et pas mal d’anecdotes sur le nom des villages, ainsi que le nom des habitants en patois vaudois, un lexique des mots aussi :) Ce qui permet en fait une petite immersion :)
Enfin c’est toujours bon de découvrir ce qui existe et de voir que cela permet à certains mots aussi de perdurer. (Beaucoup se font oublier mine de rien, ce qui reste dommage.) Par contre, la plupart des mots cités dans cet article me sont un peu inconnu… ^^ Mais étant souvent en France, je constate que certains mots sont durs à oublier et que c’est pas évident de se faire comprendre.
Enfin mon plaisir est de trouver certains textes en patois vaudois sur le net. (Il suffit de chercher un peu^^) et ça file le sourire^^
Si jamais, y a aussi pas mal de mots qui viennent du celte helvétique, notamment dans les noms de lieux. Le bugnon (bugne, la source), Vallon de Nant (Nant = rivière saisonnière ou peut-être vallée étroite), le Flon (y en a plein, mais un célèbre à Lausanne, = rivière), modzon (vache), boille (celtique = ventre ?), la Baume (village de Baulmes = grotte), et plein de noms d’arbres (la verne, la biole, la daille, la vuargne). Donc origine latine mais fortement celtique aussi et parfois alémanique !