Quand on fait ses courses en France, impossible de dénicher l’ombre d’un biberli, d’une tresse ou d’un pot de séré. On a beau fouiller rayon après rayon les vastes supermarchés français, rattraper un vendeur à patins à roulettes dans l’espoir qu’il pourrait nous renseigner, on ne met jamais la main sur ces aliments suisses…

Le Cenovis, une pâte à tartiner très spéciale à base de levure de bière.

Certains produits, typiques de notre petit pays, ne garnissent évidemment pas les étagères des rayons alimentaires français: le pain tessinois, la taillaule et sa cousine cuchaule, les chocolats Ragusa, les röstis, les knöpflis, les biberlis et les incroyables Läckerlis bâlois… Certains produit suisses ont même été élevés au rang de symboles nationaux, tels les tubes de pâte à tartiner Le Parfait et le Cenovis (quelle horreur celui-là) ou la boisson au petit lait Rivella.

Jusque-là, rien d’étonnant! Si vraiment on ne peut s’en passer, il suffit d’en remplir ses valises lors de séjours en Romandie. Le problème, c’est qu’à côté de ces aliments, il y a ceux qu’on a mangé des années en terre helvétique sans se douter de leur spécificité. C’est ainsi que j’ai innocemment demandé l’emplacement du séré à une employée à roulettes de Carrefour (comme il s’agit d’une très grande surface, certains employés circulent en patin à roulettes pour gagner du temps. Surprenant mais vrai!).

– Bonjour, il est où le séré ?

– Le…?

– Le séré .

– Le…quoi?

– C’est une espèce de crème.

– Les cosmétiques sont par là-bas.

L’ingrédient clé du gâteau au séré, cette sorte de fromage blanc helvétique, était donc un mot inconnu de mes nouveaux concitoyens! J’ai appris qu’il en était de même pour la crème acidulée, à nommer “crème aigre” pour se faire comprendre. Aucune chance non plus qu’on vous indique un rayon susceptible de présenter de la tresse, de la moutarde “normale” (Dijon, vous connaissez? c’est ça, LA moutarde, en France), de vermicelles aux marrons ou de succulents caraques… J’aurais voulu citer le cervelas, mais un lecteur me fait signe qu’il existe sous une autre appellation jusqu’en Angleterre. Dans l’immensité des rayons frais, je n’ai pas encore pu en voir de mes propres yeux, mais ça viendra!

Photo exceptionnellement rare d’un caraque déniché en France, dans une pâtisserie toulousaine
Le Croqu’Menus, livre légendaire distribué dans les écoles suisses. La version suisse-allemande porte un titre à calembour: Tip Topf

En revanche, hourra, on trouve de la fondue suisse, du gruyère ou une tête de moine importés, ainsi que des spätzlis dans une gamme de produits alsaciens! Les ingrédients nécessaires à la confection d’un bon birchermüsli sont aussi faciles à se procurer. La renommée de la viande des Grisons est arrivée jusqu’ici, c’est un des nouveaux produits de la gamme « fine food » de Carrefour. Cela me rappelle cette Française étonnée que je sois allée visiter « le canton des Grisons »: « Mais un grison, c’est pas une race d’ânes? »

Attention cependant, je ne voudrais pas donner l’impression de me plaindre: la gastronomie française semble bien plus riche et intéressante que celle de mon pays (au risque de heurter votre sensibilité suisse). Je reste cependant attachée à certains plats entrés dans mes habitudes. Comme certaines de ces denrées de première nécessité sont introuvables, j’envisage de lancer un e-shop de produits suisses pour les expats, et surtout un très utile dictionnaire culinaire français/suisse-romand. En attendant, je salue le Croque-menus, ce livre distribué lors des cours de cuisine à l’école aux petits Romands, car il comporte une intéressante section de recettes régionales. J’organise aussi quelques séances de dégustation de Parfait et de Ragusa pour mes amis… Le Ragusa a un succès beaucoup plus franc, pour des raisons obscures.