Expatriation

Interview d’expat: Monique en Belgique

Pour ce nouvel interview d’expatrié suisse autour du monde, je suis ravie de recevoir Monique sur le blog aujourd’hui! Elle a passé sa jeunesse à Bienne avant de s’expatrier… oh, pas très loin, mais ce ne sont pas les kilomètres qui rendent l’aventure plus ou moins intéressante! Monique vit chez nos amis belges, côté flamand, et nous raconte son parcours

J’ai beaucoup aimé en apprendre plus sur Monique, car elle suit le blog depuis des années et j’apprécie toujours ses mots et ses commentaires :) A mon tour de la lire et d’écouter son ressenti sur les différences culturelles. J’espère que cela vous intéressera autant que moi!

Peux-tu te présenter chère Monique?

Je m’appelle Monique Mathez, je suis née à Berne (à cause de la guerre !) en 1943, mais j’ai passé toute ma jeunesse en pleine ville de Bienne. Je suis enfant unique, choyée et très protégée, cela peut expliquer en partie pourquoi j’ai quitté le pays. Je suis diplômée de l’école supérieure de commerce de Bienne. Et pourtant… j’ai commencé ma carrière en donnant durant trois ans des leçons de français dans un internat pour jeunes filles riches sur les bords du lac de Bienne. Puis j’ai travaillé durant une année dans une agence de publicité, département cinéma et télévision, j’ai adoré ! 

Monique - expat suisse
Monique vit en Belgique, à Temse, avec son mari flamand.

Monique, peux-tu nous raconter à quoi ressemble l’endroit où tu vis?

J’habite avec mon mari à Temse (Tamise en français !), une commune de 30 000 habitants en pleine Flandre, au bord de l’Escaut, un grand fleuve qui rejoint la mer du Nord environ 80 km plus loin. La grande ville la plus proche est Sint-Niklaas (70 000 habitants), Anvers est à 22 km et Bruxelles à 40 km. Sachant que la grande majorité des Belges est propriétaire de sa maison, nous possédons, mon mari et moi, une petite maison avec un petit jardin dans un quartier résidentiel.

Peux-tu nous dire aussi comment tu as atterri en Belgique? (Et quand!) Quels sont vos liens avec ce pays à ton mari et toi?

J’ai rencontré mon mari (Flamand pure souche) à Wengen, aux sports d’hiver en 1963 et nous nous sommes mariés en juin 1966. Pendant ces trois années, nous avons eu de longues discussions (orales et épistolaires) pour décider qui s’exilerait dans le pays de l’autre. Finalement, c’est la mentalité de l’époque qui en a décidé : il valait mieux que l’homme reste dans le pays dont il parle la langue, ce qui est important pour sa profession. Ca a moins d’importance pour la femme qui reste au foyer et élève ses enfants ( !). Donc j’ai laissé à Bienne mes parents, ma famille et mes amis et nous nous sommes installés au cœur de la Flandre.

Monique, Suissesse expatriée en Belgique
Vue de la commune de Temse où j’habite depuis 40 ans.
Photo prise depuis l’autre rive de l’Escaut.
Un nouveau quartier de la commune.

As-tu eu des difficultés au départ en t’installant dans ce pays?

Pour une jeune Suissesse, la Belgique me paraissait à l’époque bien attardée. On chauffait encore au charbon, les gens habitaient dans de petites maisons de briques rouges, en été ils sortaient les chaises de leur salle à manger sur le seuil pour regarder passer les promeneurs… Les transports en commun étaient presque inexistants, il y avait peu de variété dans les légumes et les fruits….. heureusement en 50 ans le pays a bien changé ! On m’avait aussi avertie que les Belges étaient très susceptibles, et je l’ai remarqué à mes dépens, moi qui étais très spontanée !

Qu’est ce qui te plait en particulier dans ton pays d’adoption?

Une souplesse que je ne connaissais pas en Suisse. Le Belge est un bon vivant, le travail est un mal nécessaire, pas une raison de vivre. Les montagnes me manquent, mais oh ! que j’aime les couchers de soleil les soirs d’été, l’horizon rouge ou violet… rien de plus beau ! Et le fait que j’ai gardé mon nom de famille. Ici une femme mariée ne prend pas le nom de son mari. J’ai eu de la peine à m’habituer, mais finalement j’en suis très fière ! Mais ça m’a déjà posé quelques problèmes avec les postes et les banques en particulier

As-tu eu de la peine à t’intégrer linguistiquement avec le flamand ? 

Contrairement à ce qu’on pense à l’étranger, en Flandre les gens parlent le flamand et non pas le français. C’est en fait le néerlandais avec des intonations différentes et aussi des différences de vocabulaire, par rapport à la langue parlée aux Pays-Bas. Il y a 50 ans, la question linguistique était très aiguë ici, on avait même interdit l’usage du français dans les entreprises et toutes les instances officielles flamandes. Cela m’a causé quelques problèmes. Heureusement, j’avais déjà 8 ans de cours d’allemand à mon actif. Le néerlandais étant une langue germanique, l’allemand m’a beaucoup aidé. Maintenant, je pense que je peux me dire bilingue, bien que….. j’aie gardé un accent dont je n’arrive pas à me débarrasser et qui me hérisse quand je m’entends parler

Monique - expat suisse

J’aimerais savoir aussi si à force tu as pris un petit accent belge?

Non, je ne crois pas, puisque je ne suis que très peu en contact avec des Bruxellois ou des Wallons. Par contre quand je reviens de Suisse et que je parle français par ici, on me demande : « Tiens tu es allée en Suisse » ? Il semble que je reprends l’accent biennois très facilement en quelques jours !

Quelles sont tes expressions belges préférées, celles que tu as adoptées?

Le Belgicisme est partout dans ce pays, aussi bien en Flandre qu’en Wallonie ! Mes belgicismes à moi sont surtout des mots venant du flamand, comme « bourgmestre » (pour maire), witlof (pour endive ou chicon en Wallonie), « cramique » (pour pain aux raisins), « GSM » (pour téléphone portable), « couque » (pour petit pain brioché avec raisins secs, crème, chocolat…. qu’on mange le dimanche matin au… déjeuner). Mais le mot qu’on utilise en Wallonie et que je préfère est « carabistouilles » qui signifie ‘menteries ».

Quels clichés sur la Belgique sont totalement faux?

Que les Belges finissent toutes leurs phrases par « n’est-ce pas ». Je n’ai JAMAIS entendu cela ! Et, comme je l’ai dit plus haut, que tous les Belges parlent le français.

Et lesquels se vérifient?

Qu’ils tutoient tout le monde ! Ca vient du flamand où on ne vouvoie que le roi et le premier ministre. Ce sont surtout les Flamands qui le font bien sûr, mais aussi quand ils parlent le français. J’ai eu de la peine à m’habituer !

bières-belges

Parlons spécialités gastronomiques. Que nous conseilles-tu de goûter en Belgique   ?

Pour commencer les produits de la mer du Nord : soles meunières, moules marinières, crevettes grises…. Et les préparations qu’on en fait : tomates-crevettes (une tomate farcies de crevettes GRISES (sine qua non !!!) , croquettes de crevettes GRISES (idem). Les frites, bien sûr, avec tout et n’importe quoi, et dans la rue aussi ! Et si vous aimez les douceurs : les babeluttes (sorte de caramel) et les cuberdons (sortes de bonbons mous en forme de cones avec un goût bien particulier). Et le chocolat bien sûr, que les Belges estiment être le meilleur du monde ! Ce qui me fait grincer des dents en bonne Suisse que je suis restée ! Et bien sûr, il faut goûter les nombreuses bières brassées dans tout le pays, c’est la boisson nationale

Qu’est ce qui te manque le plus de la Suisse?

Mes amis et jadis ma famille. Ma famille a pratiquement disparu, mais j’ai heureuse-ment gardé beaucoup de contacts avec mes amis, je les revois chaque fois que je retourne en Suisse, et je suis une fan de Skype. La façon dont la Suisse est gérée me manque aussi, ici la politique est une véritable soupe, c’est un pays quasi ingérable. Et ça m’énerve… !

Une spécialité suisse qui te fait retomber en enfance?

LA FONDUE MOITIÉ-MOITIÉ ! J’en ai les larmes aux yeux, rien que d’y penser ! Et puis le Frigor et le Ragusa …

Chocolat ragusa culte en Suisse

Les 3 coins qu’on doit visiter en Belgique ou dans ta région ?

Ce sont les villes qui méritent d’être vues : Bruges, Gand, Anvers, Bruxelles… mais aussi d’autres, plus petites et moins connues comme Mechelen (ou Malines), Audenarde, Lier… Pour une visite à la côte belge, je conseillerais de chercher les dunes en-dehors des grands centres où plein de hauts immeubles gâtent le paysage. Ou alors d’aller au Coq-sur-Mer, jolie station. Dans ma région, une excursion en bateau sur l’Escaut, direction Anvers ou Dendermonde, ou un tour à bicyclette sur les anciens chemins de halage le long du fleuve.

As-tu déjà eu envie de rentrer vivre en Suisse? Quels sont les arguments pour ou contre?

Je ne crois pas. Autant j’adore retourner en Suisse chaque année, autant je ne pense pas rentrer au pays. Ma vie, ma famille sont ici. J’ai deux enfants, adultes bien sûr, qui ont fait leur vie ici, j’ai aussi cinq petits-enfants de 26 à 14 ans et une arrière-petite-fille de 5 ans, tous flamands, tous bien ancrés ici. J’ai aussi travaillé ici durant 30 ans. A temps partiel il est vrai, mais avec beaucoup de plaisir : j’ai donné des cours de français à des adultes de la région, et plus tard à des jeunes filles juste sorties de l’école secondaire, dans le cadre d’une école de formation continue. Ca m’a permis de garder de très près le contact avec notre belle langue.Et de me faire bien des amis que je ne veux pas quitter.

Si tu as envie de raconter autre chose, n’hésite pas!

Il y a une chose qui m’étonne toujours et dont je ne me suis jamais débarrassée : quand je suis en Belgique, je dis spontanément que je suis Suisse… et j’en suis très fière. Par contre en Suisse, je dis tout aussi spontanément que je suis Belge ! Bon, d’accord, j’ai la double nationalité, mais ça n’explique pas pourquoi je fais ça !!

A propos de double nationalité, je suis donc restée Suisse et je suis inscrite sur la commune de Tramelan dont je suis originaire…. avec mon nom de femme mariée. Ici en Belgique, je suis inscrite sur tous les registres avec mon nom de jeune fille. Ce qui fait qu’en Suisse on trouve une Monique Muyldermans (imprononçable pour qui ne parle pas le néerlandais !) et en Belgique une Monique Mathez (pas très prononçable non plus ici !)

Pour finir, un proverbe : « Ne dites jamais : fontaine je ne boirai jamais de ton eau ». En 1958, j’avais 15 ans, je suis venue à l’Exposition Universelle de Bruxelles avec mon père. Nous sommes arrivés par hasard en nous promenant dans une rue typiquement belge à l’époque, avec de chaque côté de petites maison contiguës en briques rouges, toutes les mêmes. J’ai dit à mon père : « Que c’est laid ! Jamais je ne pourrais vivre dans ce pays ! » Dix ans plus tard, je suis venue y vivre, et il y a plus de trente ans que je vis….. dans une petite maison de briques rouges !

Merci beaucoup Monique d’avoir accepté de partager une tranche de ta vie d’expatrié avec nous! Cela me fait très plaisir d’en savoir plus sur toi!!

N’hésitez pas à lui laisser un mot, une réaction dans les commentaires!

kantutita

Signes particuliers: toujours une tasse de thé et un livre à la main! Suissesse expatriée en Alsace, après plusieurs escales en France et une parenthèse montréalaise, je blogue depuis plus de dix ans! Et je cultive un faible pour la papeterie, le chocolat et le Japon...

8 réflexions sur “Interview d’expat: Monique en Belgique

  • Patricia Muyldermans

    Ma chere maman, une belle histoire d’amour
    Patricia

    Répondre
  • Merci pour ce joli témoignage. C’est toujours chouette d’avoir un retour sur les clichés que l’on se fait d’un pays.
    Anne-Claire

    Répondre
  • Merci pour ton histoire,Monique. D;une biennoise qui a passe par l’Angleterre, la France et qui se retrouve en Catalogne :-)
    maryse

    Répondre
    • Merci Maryse, on se connaît bien grâce aux Romandes autour du monde. Gros becs

      Répondre

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *